L’Histoire se répète. La musique baroque, à la renaissance de laquelle nous participons depuis de nombreuses années, savons d’où nous vient-elle ? L’Histoire se répète, et s’en rappelle. Dès le début du 20ème siècle, quand Wanda Landowska retrouve le clavecin, que Charles Bordes fait l’apologie de Lully, que Xavier de Courville ranime l’esprit de Monteverdi, et que Wekerlin fait le lien sacré entre les musiques baroques et les chansons et timbres populaires… Suivi par la plupart des chanteurs de l’époque, dont Yvette Guilbert, qui chanteront sur le même ton les airs de cour du 17ème siècle, les Chansons populaires d’antan et leur propre répertoire de chansons ! Passionnés par ce jeu d’échos d’un passé à l’autre, Vincent Dumestre et Stéphanie d’Oustrac se sont trouvé ici une affinité commune, aussi surprenante que fascinante – et ont voulu faire de leur toute première collaboration une aventure musicale et théâtrale unique, intitulée Mon Amant de Saint Jean. Un récital où l’atmosphère des chansons des Années folles insuffle sa douce folie à la musique ancienne, dans une connivence alimentée du sens de la proximité, de l’intime, où priment l’émotion de la voix seule et la poésie des textes. Dans l’esprit des tours de chant, ils invitent ainsi à entendre quelques-uns des plus beaux airs baroques où l’expression du sentiment amoureux trouve un écho intemporel dans les mélodies réalistes du 20ème siècle, jusques aux arrangements du compositeur contemporain Vincent Bouchot. Le tout uni par cette tonalité intime si chère au Poème Harmonique – tel un maillage guidé par l’émotion, dont les fils délicats donnent à voir sur scène l’aventure intérieure d’une femme, à l’heure où monte le souvenir de ses amours anciennes. L’entre-deux guerres marque en effet une étape souvent méconnue dans la redécouverte de la musique ancienne. C’est l’époque de l’ethnomusicologie, des recueils de « chansons d’autrefois », où la quête identitaire alimente l’attrait pour un roman national fantasmé ; où la nostalgie du temps jadis le dispute à l’énergie virevoltante des cabarets. Artistes, chercheurs, musicologues – tels Xavier de Courville ou Vincent d’Indy – partent alors à la recherche de ces œuvres que l’on n’appelle pas encore « baroques », pour les intégrer au registre populaire de la chanson traditionnelle. Et dans les tours de chant de Colette Renard, Fréhel, Barbara ou Damia, voilà que les airs de cour côtoient les créations nouvelles, et que la tragédie lyrique s’allie aux mélodies chantées dans les campagnes françaises !
Le Poème Harmonique
Location: Rue de la Loi, 5, 1000 Bruxelles